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Spécificités de la balade urbaine accessible

Différentes dimensions de la balade sont à prendre en compte pour en réaliser la meilleure adaptation possible aux participants en situation de handicap.

  • TERRITOIRE
  • THÈMES
  • PARCOURS
  • CONTENU
  • AIDES ET SUPPORTS
  • ANIMATION
  • LE GROUPE

TERRITOIRE
La construction d’une balade urbaine est la rencontre d’un territoire et d’une subjectivité.

  • Le territoire est l’espace urbain dans lequel va se dérouler la balade pris dans sa globalité : réalités géologique, historique, économique, sociale, environnementale, etc.
  • Un territoire c’est aussi ses activités et habitants, notamment ceux qui peuvent le raconter [1]
  • Certains, associations ou particuliers, accepteront d’intervenir lors de la balade pour parler de l’histoire du territoire et de son patrimoine, de l’immigration, de la création d’un jardin partagé [2], des mobilisations locales, etc.
  • La question de l’accessibilité vient enrichir la notion de territoire car elle invite la prise en compte des structures locales en rapport avec le handicap, de façon à tisser des liens utiles (expertise, évaluation, relais de communication [3])
  • Si la balade n’est pas le résultat d’une commande, l’animateur choisit le territoire de la balade en fonction des réalités urbaines qu’il a envie de mettre en lumière ou des thèmes qui lui tiennent à cœur : un centre historique de ville, des marges urbaines et espaces délaissés, un espace en mutation, le pittoresque d’une butte ou les berges d’un fleuve, etc.
  • La rencontre de ce territoire et de la subjectivité de l’animateur seront ainsi offerts aux commentaires, aux questions, aux échanges ou débats selon le style de l’animation et la vocation de la balade.

THÈMES
Si la balade n’est pas le résultat d’une commande qui définit les thèmes à aborder, l’animateur choisira ceux qui révèlent le mieux la ville qu’il veut montrer, qui donnent de pertinentes clefs de lecture et de compréhension du territoire, qui lui procurent le plus de plaisir de partager.

  • La complexité de la ville est telle que les thèmes qui permettent de la parcourir sont infinis : manifestations de sa transformation, patrimoine architectural, ouvrages d’art, marques d’un fleuve, biodiversité, eau, habitat social, métiers, sous-sol, mémoire de mouvements sociaux, cohabitation de l’ancien et du nouveau, etc.
  • En les sélectionnant, l’animateur se posera systématiquement la question de l’accessibilité des thèmes retenus et des techniques de médiation dont il usera pour ouvrir la balade au plus grand nombre et maintenir les participants dans la convergence par rapport au contenu de la balade.

PARCOURS
Il s’agit du cheminement choisi à l’intérieur du territoire pour partager les contenus de la balade. C’est tout, à la fois l’itinéraire et les pauses, les points de vue qu’il offre et échanges qu’il permet d’avoir.

  • Il inclut des variantes d’itinéraires en cas de besoins spécifiques de certains participants. Par anticipation, on assurera un minimum de confort pour les pauses : endroit où s’asseoir, espace ombragé ou au calme, etc. L’animateur doit aussi pouvoir répondre à des demandes spécifiques (sanitaires accessibles, places GIC ou GIG près des lieux de rendez-vous, etc...).
  • Les participants qui vont le plus impacter le choix du parcours sont sans doute les personnes à motricité réduite et les personnes malvoyantes qui, même guidées, s’accommodent difficilement d’un trop grand nombre d’obstacles (mobilier urbain, environnement bruyant, revêtement du sol en mauvais état, grande fréquence ou importance des ruptures de seuil, flux de circulation, etc.).
  • Le parcours doit faire en amont l’objet de vérifications minutieuses ; vérifier que les largeurs sont suffisantes (progression des fauteuils, manœuvre et regroupement lors des pauses,…) ; que les pentes et les dévers ne sont pas trop dissuasifs ; que les bateaux de trottoirs permettent les traversées de chaussée ; que les revêtements sont adaptés, etc.
  • Lors de la définition du parcours, l’animateur aura à l’esprit que le bruit ou une grande affluence sont des sources possibles de déstabilisation pour les malvoyants ou pour les malentendants.
  • Ainsi, le parcours doit être littéralement "scanné" en fonction des adaptations à prévoir pour les différentes déficiences et "qualifié". La communication en amont doit permettre à toute personne de décider de sa participation en connaissance de cause, de façon autonome et responsable.
  • Enfin, une vérification à quelques jours ou quelques heures de la balade s’impose : des aléas peuvent encore mettre le groupe en difficulté le jour J (chantier et travaux, équipement en panne, évènement dans le quartier, etc) .

CONTENUS
La "Balade Urbaine Accessible" n’est pas une balade à laquelle on retranche tout contenu posant des difficultés d’accès, mais bien au contraire une balade que l’on enrichit en rendant les contenus accessibles à chacun et sur un mode (ou des modes) assurant la cohésion du groupe.

  • De même que l’on sélectionne les contenus par rapport aux thèmes pour éviter un éparpillement qui manquerait de sens, on peut aussi en retenir pour leur capacité à générer de la convergence dans le groupe.
  • A partir de là, il faudra faire en sorte de ne "perdre personne" dans cette progression vers l’objet présenté au groupe (qu’il soit matériel, factuel ou idéel). C’est là surtout que sont à réaliser les innovations traduisant la volonté de donner accès à tout participant.
  • L’amplification du son ou le recours à des supports visuels (dessins, écrits, langue des signes) pourront pallier la déficience auditive sans affectation profonde dans les modes de transmission des contenus.
  • Les personnes déficientes visuelles nous amènent à modifier les modalités d’accès aux contenus et poussent à questionner les modes d’appréhension de la ville, de perception de ses composantes et à en créer des spécifiques [4].
  • Quant au handicap mental, il demande une approche très adaptée et suppose d’être en mesure d’installer une certaine connivence entre les participants tant les rythmes, domaines d’intérêt et modalités d’approche vont différer des habitudes. L’intégration du handicap mental suppose également, à défaut d’une grande habitude de ce public, une collaboration étroite avec des professionnels du secteur tant en termes pédagogiques qu’en termes d’encadrement.

AIDES ET SUPPORTS

Il s’agit :

  1. des aides techniques auxquelles il est possible de recourir pour favoriser l’accès au contenu :
    1. des jumelles ou des monoculaires qui vont permettre une exploration visuelle partagée à laquelle pourront participer certains déficients visuels (une solide audio-description sera nécessaire pour que ceux qui ne peuvent suivre le groupe dans son exploration) ;
    2. des moyens de captation et de diffusion du son ;
    3. fauteuil roulant tout terrain pour améliorer le confort de la balade ;
    4. etc.
  2. des supports créés pour permettre un accès alternatif aux contenus :
    1. schémas et plans avec contrastes accentués et reliefs ;
    2. moulages, modèles réduits, maquettes, motifs didactiques, etc.
      L’impact des uns et des autres reste lié à la façon d’animer.

ANIMATION

Elle doit s’attacher à l’articulation des temporalités propres à chacun :

  • Les uns se déplaceront plus lentement, d’autres prendront plus de temps pour prendre connaissance d’un document, explorer un paysage, etc.
  • L’animateur aura aussi à gérer l’allongement des temps d’installation du groupe.
  • Plus les handicaps seront diversifiés, plus il faudra compter avec l’addition des ralentissements.
  • Ainsi, la balade s’installe dans son rythme propre et quasi imprévisible dans le détail. L’animation s’attache à le moduler de façon qu’aucun participant n’ait le sentiment de le subir. L’idée est de profiter des effets produits par ce ralentissement, effets de "grossissement" utilisables pour observer la ville autrement et découvrir des qualités, des propriétés qui échappent habituellement.
  • Un des atouts majeurs des balades sensorielles est de permettre des découvertes partagées de la ville très riches tout en créant les conditions d’échanges et d’interactions propres aux balades. Le principe d’animation est toujours de faire que le corps et les sens deviennent les instruments de lecture de la ville ou de connaissance de ses objets.
  • Certains types de contenus sont peut-être plus accessibles au groupe que d’autres ; ceux qui font appel à la représentation ou à l’imagination : descriptions du passé ou manifestations souterraines par exemple. En innovant dans les techniques d’animation et les supports didactiques ou pédagogiques, les contenus pourront être partagés.
  • L’essentiel est de rester dans le partage des contenus, indifférenciation des participants dans les objectifs de la balade, convergence de l’attention, circulation de la parole.

LE GROUPE
la question du groupe s’envisage différemment selon la déficience considérée ; les écarts importants dans l’expression des handicaps rendent les généralisations impossibles ; quelques repères cependant :

  • Les personnes en situation de déficience motrice peuvent avoir une difficulté à progresser à la même vitesse que d’autres. L’animateur veillera à régler son pas pour que cette question n’ait pas de retentissement sur l’intégration au groupe.
  • Lorsque la déficience visuelle devient importante et fait qu’un accompagnement s’impose, le participant aura parfois tendance à se réfugier dans le lien avec l’accompagnant et manifestera peut-être peu d’envie d’ouverture au groupe. A l’animateur de créer des occasions d’expression et à veiller à s’adresser autant à lui qu’à son accompagnant.
  • La déficience auditive est un facteur important d’isolement par rapport au groupe. Ce handicap, invisible et souvent peu détectable, est un des plus mal connus de la population générale et des plus difficiles à appréhender. La réserve que l’on observe parfois chez ces participants sont interprétés comme des traits antisociaux, générateurs d’antipathie et d’exclusion. L’animateur sera parfois amené à donner les clefs de compréhension de certaines attitudes pour que le groupe ait en retour un comportement d’inclusion favorable à la fluidité de la balade. Le port de casques ou l’utilisation de boucles magnétiques permet au groupe de mieux identifier les difficultés des participants, mais, de fait, ces dispositifs maintiennent les personnes déficientes auditives dans un isolement que l’animateur veillera à atténuer en reprenant les propos des participants auxquels il réagit et en ménageant des occasions d’expression et d’échange avec le groupe.
  • La déficience mentale suppose une certaine complicité du groupe pour trouver un rythme particulier : séquences courtes, de l’interactivité, des contenus pratiques, concrets, variés et adaptés à ce type de handicap.

Notes

[1Voir le phénomène des greeters newyorkais qui s’est progressivement généralisé à d’autres villes dont Paris, voir le site de Parisien d’un jour

[2Voir la balade d’Emilie Bierry avec l’association "Ramenas Voit Vert" et celle des Ateliers de la Nature & Anaïs Leroux avec les "Chippies"

[4Dans le groupe de travail, voir les approches radicalement différentes du GDIE et des Promenades Urbaines