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Animation de la mixité

PROBLEMATIQUE : Comment installer la mixité et la fluidité dans la balade ?

ÉLÉMENTS DE CONTEXTE :

En France, plus qu’ailleurs en Europe, les personnes handicapées vivent séparées de la population générale (institutions d’hébergement, ESAT, foyers d’accueil de jour, etc.) ce qui entraine une méconnaissance réciproque et une certaine timidité de part et d’autre, quand ce n’est pas de la peur, de l’incompréhension , voire du rejet.

Ainsi faire co-exister les handicaps au sein de la balade suppose un certain état d’esprit des participants où chacun est attentif aux autres, aux obstacles qu’ils pourraient rencontrer, à leur intégration dans le groupe, qu’il y ait situation de handicap ou non. La mixité, qui n’est pas une simple juxtaposition de participants mais une capacité à être en relation malgré la différence, se manifeste par les interactions entre les participants.

Nous nommons :

  • fluidité : la capacité du groupe à intégrer spontanément les différences et les difficultés de l’autre et à y réagir favorablement sans consigne particulière, afin de réaliser le programme de la balade (et, au-delà, afin peut-être de satisfaire sa propension à aller tout simplement au devant de l’autre) ;
  • mixité : l’état d’interaction qui en résulte entre les participants ; tel qui était trop éloigné de l’animateur pour entendre son propos sera ravi qu’un autre le lui résume d’une phrase ; tel autre dont les enfants seront fatigués avant la fin du parcours acceptera volontiers l’aide d’un participant qui dirigera la poussette quand il aura besoin de porter l’enfant, etc.

En raison des fortes préventions existant à l’encontre du handicap* la mixité recherchée dans les balades n’est pas acquise d’emblée ; elle a même assez peu de chance de s’instaurer spontanément : c’est à l’animation d’en créer les conditions.

PRÉCONISATIONS :

  • Se mettre à l’abri, en tant qu’animateur, d’attitudes discriminantes
  1. Éviter les exclusions par handicap Exemple : utilisation des mentions « sauf fauteuils roulants ». L’alternative est de qualifier la balade pour ne pas avoir à limiter les participations sur la base du handicap (FICHE "Constuire le topoguide de la balade") ce qui a d’autant moins de sens que tout est encore une fois question de degré à l’intérieur de chaque handicap.
  2. Lors de l’inscription, il est bon, au téléphone ou à travers un formulaire, de mettre en rapport les difficultés annoncées par les participants et les caractéristiques du parcours pour que chacun décide en connaissance de cause : un participant ne va pas s’engager dans une balade où il anticiperait un rapport « plaisir/difficulté » trop faible. A partir d’un certain niveau de difficulté, les participants viennent accompagnés et il ne semble pas que nous devions redouter d’être en face de personne à besoins si spécifiques que nous ne puissions les intégrer au groupe. Il est assez classique que chacun pense à estimer son confort tout en songeant aussi à sa bonne intégration au groupe : ne pas être un facteur de ralentissement ou de perturbation du rythme de la balade ; ne pas être « une gêne » est une préoccupation assez constante (trop constante ?) chez les personnes handicapées.
  3. Éliminer les traitements par exception : nous sommes culturellement imprégnés d’une certaine image du handicap (sauf situation d’acculturation par la proximité familiale ou professionnelle avec le handicap) faite de préjugés dont nous ne sommes jamais sûrs d’être tout à fait libérés. S’interdire tout traitement par exception est une certaine façon de se protéger des attitudes involontaires de discrimination ou stigmatisation.
    • Exemple : éviter de faire une description « spéciale malvoyants » (FICHE "Audiodescrition") ou s’interdire de fractionner le groupe pour cause de difficulté d’accès : si certains lieux ne sont pas accessibles à tous, on les « visitera » autrement, mais tous ensemble : audiodescription, documents, TIC, etc.
    • On est dans le traitement par exception dès lorsque l’on réserve à un handicap donné un sort particulier dans la balade. Par exemple, dans le cas où les personnes en fauteuil roulant devraient faire le tour de l’église pour entrer par une porte dérobée avec des tremplins aménagés dans le cadre de la mise aux normes d’accessibilité des bâtiments, tandis que le reste du groupe entrerait par la grande porte. Au lieu de cela, l’animateur fera pénétrer l’ensemble du groupe par la porte aménagée.
    • De même, il n’est pas envisageable de proposer au groupe d’admirer la beauté du cœur d’une église sans la commenter autrement et en laissant les personnes malvoyantes avec leur limites visuelles (FICHE "Audio-description"). Une description, travaillée en amont de façon à inclure les participants malvoyants, mais destinée à tout le groupe, permettra à l’animateur de détailler les éléments qui rendent ce cœur admirable : leur nature (matières, motifs, couleurs, etc.), leur ordonnancement, leur signification, les relations qu’ils entretiennent avec d’autres éléments ou parties de l’église, etc.
  • Rapprocher les participants pour compenser les déficiences
    • Les participants doivent pouvoir suivre le même parcours et accéder au même contenu au même rythme.
    • Cela suppose parfois l’entraide au sein du groupe et, en tant qu’animateur, nous comptons qu’elle puisse s’instaurer spontanément.
    • En termes d’animation, il serait également possible de faire que ceux qui voient décrivent à ceux qui voient moins bien et certains vous diront : «  je n’ai jamais aussi bien vu que lorsque j’ai regardé pour pouvoir décrire ce que je voyais à d’autres  » ; l’animateur participant à l’émergence du contenu et à une hiérarchisation adaptée à la compréhension pour le public malvoyant.
    • Une vidéo nous est bien utile pour installer cette idée ; c’est celle de Joël (malvoyant) et Grégoire (instructeur de locomotion) : « Accrochez les wagons, technique de guide des déficients visuels ou celle-ci », réalisée pour apprendre à guider un malvoyant en toute sécurité, simplicité et convivialité. Le seul fait d’inviter les participants à prendre connaissance de cette vidéo et de nous signaler s’ils sont ou non partants pour un tel accompagnement installe tout naturellement l’idée d’entraide et fait qu’en début de balade, très simplement des participants proposent leur bras à ceux qui pourraient en avoir besoin, au delà même du seul handicap visuel. La timidité peut freiner un peu la constitution spontanée des tandems. Charge à l’animateur, sur la base des renseignements recueillis lors de l’inscription, de réaliser les rapprochements et d’initier les échanges. Il faut aussi que les personnes qui « ne se sentiraient pas de le faire  » (comme on le dit familièrement pour échapper à toute explicitation...), aient la liberté de refuser sans que cela occasionne la moindre gêne à qui que ce soit.
  • Remédier aux attitudes inadaptées du groupe ou de ses participants :
    • Cette approche d’amont étant réalisée, il est rare que l’animateur ait à dissiper des incompréhensions ou à gérer des comportements inadaptés. Mais s’il le faut, il doit être prêt à décrypter et recadrer certaines attitudes lorsqu’elles ne sont pas compatibles avec l’idéal de respect et de convivialité des balades ; ceci sur la base des mêmes valeurs qu’il utilise dans toute balade : l’égalité des points de vue de chacun, l’équité dans les prises de parole (pas de monopolisation de la parole ou de l’accès aux documents ou aux bons emplacements, etc.), le respect des personnes, la civilité entre concitoyens.
  • Avoir une animation inclusive
    • Maintenir le groupe dans la convergence
    • Veiller à produire des échanges et à ce que le plus grand nombre y participe, ce qui devrait encore une fois avoir lieu spontanément si la convergence est bien maintenu dans la balade.
    • Plutôt que de laisser des tensions s’installer, mieux vaut expliciter certaines situations  [1] Certes, nous avons affaire à des personnes adultes et responsables et n’avons pas, a priori, à nous mêler de relations qu’elles sont en mesure de gérer elles-mêmes. Sauf que nous avons parfois des personnes en situation de handicap qui n’ont pas l’habitude de se rencontrer et encore moins de faire des choses ensemble. Les motifs d’incompréhension existent : à nous de donner les clés quand nous observons des quiproquo ou des malentendus.
    • Ménager régulièrement des temps informels qui permettent au groupe de poursuivre les échanges, souvent le temps de déplacement suffit cela ; parfois une pause en milieu de balade s’y ajoute.

NB.Tout en favorisant la mixité, la balade ne devient pas pour autant un lieu de sensibilisation au handicap, d’éducation aux différences qu’il génère, d’apprentissage de la tolérance. Aucune pédagogie n’est faite en ce sens. Mais, à y regarder de plus près, la balade va être le lieu de tout cela sans que nous ayons à nous y attacher, naturellement et de façon fluide.

* [2],

Notes

[1Ainsi, dans une rue étroite et peu fréquentée où le groupe avait pris ses aises sur la chaussée pour observer des façades avec suffisamment de recul, une voiture est arrivée à vive allure déclenchant le démarrage affolé d’une personne en fauteuil électrique. Apeurée, elle a heurté le tendon d’Achille d’une personne déficiente visuelle qui n’a pas su ce qui lui arrivait et qui avait eu si peur qu’elle a injuriée copieusement le conducteur du fauteuil, lequel trop ému pour s’expliquer ou s’excuser, ne savait plus où se mettre. La tension a persisté de longues minutes entre les participants et ce n’est peut-être pas un hasard si la personne en fauteuil avait finalement un prétexte pour quitter la balade avant son terme.

[2Quoi qu’inconscientes la plupart du temps, ces préventions sont très ancrées. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les personnes en situation de handicap décrire les réactions qu’elles suscitent et les réflexions désobligeantes qu’on leur adresse [ref bibliographiques]