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Signes et surdité : comment s’y retrouver ?

PROBLEMATIQUE : comment se repérer dans la multiplicité des signes utilisée pour la communication avec des personnes déficientes auditives et quelles pratiques adopter ? Quels sont les usages possibles du signe et de la gestuelle dans une balade urbaine avec les objectifs de mixité et de convergence qui sont les siens ?

ELEMENTS DE CONTEXTE :

Les 6 millions de personnes sourdes et malentendantes en France recouvrent des situations très différentes et des pratiques de communication que ce soit entre malentendants ou entre entendants et malentendants. Dans l’un et l’autre cas, les signes interviennent dans la communication lorsque le reste d’audition, corrigée ou non, ne permet plus de se comprendre avec l’oral (= voix + articulation + mimiques).

> Repérons d’abord les 4 pratiques de communication qui recourent à des signes codifiés :

    1. La langue des signes (LS / LSF) Pour la Langue des Signes (LS), on précise assez régulièrement français (LSF)puisqu’elle diffère des langues des signes utilisées sur le même principe en Angleterre ou en Italie par exemple.Il existe, en parallèle, une langue des signes internationale (LSI).La langue des signes est un mode d’expression à la fois visuel et gestuel (combinaisons de figures réalisées avec les mains, gestes et expressions du visage et même du corps dans son ensemble). Elle a émergé d’elle-même entre personnes sourdes au fil des siècles. C’est une langue à part entière avec son vocabulaire, sa syntaxe et une grammaire propre. Elle est majoritairement le fait de personnes sourdes de naissance ou devenues sourdes à un stade pré-lingual ainsi que nous le précise le site de la ARDDS(Association de Réadaptation et Défense des Devenus Sourds et Malentendants) : qui ajoute qu’ « elle concerne une population mal recensée que l’on estime comprise entre 80 000 et 200 000 personnes. » A consulter :
      - La grammairepour avoir une idée de cette syntaxe.
  1. Le dictionnaire vidéo de LSFpour accéder à un dictionnaire vidéo de la Langue des Signes Française ou LSF ouce sitepour aller plus loin.
  2. Enfin,ce sitepour découvrir différents organismes de formation en LSF

En France, la LS a commencé à être codifiée il y a plus de 200 ans à l’initiative de l’abbé Charles Michel del’Epéepour le meilleur et pour le pire [1]avant de connaître une longue période d’interdiction (1880 à 1977 ; il faut même attendre 1991 pour sa réutilisation dans l’enseignement [2]) ; périodependant laquelle on estimait que les sourds devaient apprendre un langage oral. La langue des signes, parlée clandestinement, s’est maintenue tant bien que mal, et cette violence faite à lacommunauté des personnes sourdes n’estsans doute pas pour rien dans la façon dont les personnes sourdes se vivent comme une minorité linguistique (par analogie au sort que la République a réservé aux langues régionales) et comme communauté culturelle [3]

    1. Le français signé :

Avec le français signé, on revient dans la culture de l’oralité : on utilise des signes de la LSF mais selon la syntaxe et le vocabulaire du français et en les superposant à une articulation qui permet la lecture labiale.

Cette langue a été créée par des entendants pour enseigner le français à des sourds. Le français signé est un compromis né de la nécessité de communication entre des entendants (des parents par exemple) qui apprennent les signes mais ne maitrisent pas la syntaxe de la LSF et des malentendants (enfants par exemple). L’ARDDS (Association de Réadaptation et Défense des Devenus Sourds)y voit « un joli symbole de rapprochement entre sourds de naissance et devenus sourds ». Il n’y a pas de lecture labiale et pas de nécessité pour celui qui parle d’articuler les énoncés.http://www.ardds.org/html/francaissigne.htm

Wikipédia précise que le français signé est surtout le fait de« la génération des sourds instruits et éduqués pendant les deux premiers tiers duXXe siècle, surtout après le congrès de Milan en 1880 ». 

On peut se faire une idée de la pratique du français signé en allant sur le site de l’IME Jean Perrin qui propose un support vidéo pour une approche du français signé :http://ime-jeanperrin.infini.fr/Francais-signepar exemple : http://ime-jeanperrin.infini.fr/GESTES-et-ACTIONSpour les gestes et les actions

    1. La langue parlée complétée (LPC) :

Avec la Langue Parlée Complétée (LPC) il est encore question de signes, mais ils sont différents. La LPC consiste à coder tous les sons du français à l’aide de 8 positions des doigts (pour distinguer les consonnes) et de 5 emplacements repérés sur le visage pour signifier les voyelles ; ces codes sont utilisés en complément de l’articulation du français (donc de la lecture labiale) avec pour rôle essentiel de distinguer les sosies labiaux. C’est en somme « une technique d’aide àla réception visuelle de la langue parlée ». Elle a rendu plus facile la communication entre les sourds et leurs proches entendants et facilité l’apprentissage de la langue orale aux jeunes sourds.

    1. L’alphabet dactylologique Il reste un dernier usage dusigne : celui de l’alphabet dactylologique qui est une façon de signer l’alphabet avec les doigts d’une main (pour l’usage français en tout cas)les doigts d’une main réalisent 26 positions pour pourvoir épeler à l’aide des 26 caractères de l’alphabet français les noms propres et le vocabulaire n’existant pas dans la langue des signes. (http://www.podcastscience.fm/dossiers/2011/01/20/dossier-dans-quelle-langue-pensent-les-sourds/

Cet alphabet est utilisé en complément de la LSF ou de la LS pour épeler un nom propre ou un mot qui n’existerait pas dans la langue.

  1. Signalons enfin une initiative, artistique cette fois, qui consiste à inventer une langue corporelle et visuelle compréhensible par tous [4].

Il s’agit du travail avec un comédien d’ IVT ( International Visual Theatre -théâtre de sourds à Paris) :Levent Beskardesqui développe un langage gestuel en recherchant des expression à tendance universelle qui n’a rien à voir avec la LS F : l’expression procède par tâtonnements : essai/erreur, redoublement, approche /correction.

Cette voie artistique va dans le sens de la mixité et de la convergence des publics et donne une inspiration pleine de sens et de possibilités même si, en l’état, elle n’est pas utilisable dans tous les contextes de balade. Un animateur spécialement créatif et familier de la déficience auditive et désireux de se lancer dans la recherche et de l’expérimentation pourrait fort bien l’utiliser de façon à produire de la convergence dans le groupe.

LESPRECONISATIONS :

  • Le faible nombre des locuteurs dans chacune des méthodes décrites et la difficulté d’apprentissage de ce type de communication font qu’il est difficile d’investir dans l’utilisation de langages signés en dehorsde partenariat technique et pédagogique (généralement, c’est une prestation) avec des professionnelsde la déficience auditive ; c’est aussila meilleure façon d’assurer la fréquentation de la balade par les publics.Dans ce cas de figure, comment amortir les coûtssauf à constituer un groupe dédié qui éloigne des démarches de mixité chères à nos balades ?
  • Il peut être utile d’apprendre un petit corpus de mots clefs dans le cadre de la balade en langue des signes(rejoignez-moi, attention, bonjour, merci,...)
  • Lorsqu’on n’a pas d’autres moyens d’assurer la transmission des contenus et de maintenir la convergence dans le groupe, la co-animation de la balade avec un interprète LSF ou LPC peut être une solution surtout si cette co-animation veille à entretenir le lien entre les publics. En effet, si l’on n’y prend pas spécialement garde, il est difficile d’éviter qu’il y ait finalement deux publics dans la balade : celui de l’animateur et celui de l’interprète : l’interaction de ces publics passe alors par des temps ou des animations dédiées.

NB. : ne pas se lancer dans une traduction LS ou LPC avant d’être sûr d’avoir les participants concernés vuele faible nombredes locuteurs !

  • utilisation du visuel (carnet crayon, ardoise magique ou tablette numérique) dans unexercicede la convergence

POUR ALLER PLUS LOIN :

Pour repérer quelques signes utiles, en savoir plus sur l’histoire de la communauté sourde ou la « culture sourde » : le site

Dix sites pour en savoir plus sur la LSF :Tendance sourd

Notes

[1Le compromis qu’il essaya de construire entre ce qu’il avait perçu de la langue des signes, que lui avaient appris ses élèves sourds, et une rationalité calqué sur celle de la grammaire française (appliquée jusqu’à l’échec par son successeur l’abée Sicard) a sans doute grandement perturbé la cohérence interne de cette langue et engendra « un développement anarchique de la langue des signes pendant une longue période »http://www.langage-des-signes.com/

[2Selon l’AFILS, Association française des interprètes et traducteurs en langue des signes « moins de 5% des enfants sourds scolarisés ont la LSF comme langue d’enseignement. » http://www.afils.fr/ 

[3Certains sourds ne connaissent pas du tout le langage verbale et ont fait le choix de ne communiquer qu’avec cette langue. Du fait qu’elles sont dotées leur propre voie « pour accéder à la symbolisation » http://www.cie100voix.fr/pdf/100-voix-culture-sourde.pdf les personnes sourdes ont un fort sentiment d’appartenir à une communauté et parlent souvent d’une s’est développée une véritable« culture sourde » à laquelle des anthropologues et des ethnologues se sont intéressés (voir par exemple le travail d’Yves DELAPORTE, Ethnologue, directeur de recherche au CNRS : « LANGUE DES SIGNES ET CULTURE SOURDE »

Les personnes sourdes dites signantes ont leurs spectacles, leurs émissions de télévision, leurs banquets, leurs colloques et on les a vu manifester contre les implantations chocléaires tant ils vivent leur surdité comme un trait culturel, non comme une infirmité. A l’intérieur de la communauté où l’on écoute avec les yeux et on parle avec les mains, le handicap n’existe pas ; c’est encore plus flagrant qu’avec d’autres handicaps : la déficience n’est pas un problème de santé mais de société.

[4Cette piste nous a été communiquée par Luc Pelletier, Chargé des questions d’accessibilité au MAC-VAL