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Balade urbaine : l’étendue des possibles, la diversité des genres

Les acteurs et les théoriciens de la balade urbaine ont laissé de multiples traces de leurs productions et réflexions. A les lire, on se dit que la balade urbaine consiste bien à parcourir la ville, mais au-delà de ce constat, on peut se demander s’il existe d’autres points communs aux balades urbaines tant les formes sont variées, les objectifs divers et les thèmes pluriels.

Petit tour d’horizon

  • Quels acteurs ?
    La balade est en général le fruit du travail d’acteurs spécialisés, mais rien n’empêche que les amoureux de la ville s’emploient à la faire découvrir selon la démarche des "greeters" new-yorkais. L’envie des habitants d’un quartier de partager, de faire connaître leur ville l’emporte peut-être sur la méthode, mais ça marche : la pratique s’est généralisée aux plus grandes villes de la planète et se répand désormais dans les plus petites. Du professionnel aguerri à l’amateur passionné, il n’existe pas réellement de profil type.
  • Quels publics ?
    Les publics eux-mêmes sont très variés : des enfants et des jeunes notamment dans les contextes scolaires ou périscolaires ; des adultes peuvent être touristes ou habitants, élus ou techniciens, agents ou électeurs selon le commanditaire et le contexte de la balade.
    Certains projets peuvent cibler des publics particuliers : personnes en situation de précarité, personnes handicapées, nouveaux arrivants dans une ville ou un quartier, etc.
  • Quelles animations ?
    Certaines balades sont conçues pour pouvoir être pratiquées en autonomie : le rallye pédestre, le jeu de piste, parfois avec une intention pédagogique ou éducative (le sentier d’interprétation). De multiples intentions peuvent bien sûr être combinées à l’intérieur d’un même concept. Les variantes dans les modalités et les styles d’animation sont infinies dépendant du contexte de la balade, de la personnalité des intervenants : guide, animateur ou médiateur de la balade selon la façon dont il conçoit son rapport aux participants. L’animation peut être le fait d’animateurs intervenant à plusieurs voix. Elle peut également prévoir l’intervention ponctuelle d’une ou de plusieurs personnes extérieures, dites "ressources".
  • Combien de participants ?

    Certaines n’en ont pas ! C’est par exemple le cas des balades solitaires photographiées puis partagées par le biais du web ; d’autres ont plusieurs dizaines de participants, voire centaines et, là encore, tous les intermédiaires existent.

  • Quelles intentions ?
    L’intention de la balade varie considérablement entre deux pôles : récréatif / éducatif, entre lesquels tous les intermédiaires existent. Plutôt que de se divertir où de se cultiver, on peut vouloir découvrir, militer, revendiquer, diagnostiquer, comprendre, inventorier et faire de la balade un outil qui sera tantôt celui du dialogue et de la concertation tantôt celui de l’action militante ou du diagnostic.La balade peut aussi répondre au besoin d’un commanditaire cherchant à créer du lien, à valoriser un territoire, à anticiper les difficultés d’une rénovation, alimenter un programme dans un cadre événementiel (journée du patrimoine, semaine de la nature ou autres), etc.
  • Quelles formes ?
    Une balade pourra proposer de déambuler, de se promener, d’arpenter, de randonner . Les intitulés cachent des perceptions de l’espace urbain, des valeurs et des usages qui souvent divergent : • La promenade exclut le rythme soutenu et les risques éventuels de la randonnée ; • L’arpentage exclut l’hédonisme de la promenade, l’approximation de la déambulation ; • La déambulation exclut la détermination de l’arpentage, son sérieux de géomètre.

Entre les "déambulations savamment orchestrées" de Dédale, les "chemins de randonnées urbaines" (Cru) de Ne pas Plier, les balades faites sans bouger depuis l’observatoire de la ville de cette même association, les "ateliers d’exploration urbaine" de l’association Bruit du Frigo à Bordeaux, il reste encore de la place pour innover.

  • Quels objectifs ?
    Les objectifs de la balade sont eux-mêmes des plus divers. Depuis le conférencier qui a à cœur de distiller une information savante sur la ville jusqu’au médiateur qui va plutôt chercher à faire émerger les savoirs présents dans le groupe et orchestrer la confrontation des points de vue, tout est possible. De la balade où l’on va à la rencontre des habitants d’un quartier, de son histoire, sa sociologie (selon, par exemple, le concept des animateurs "révélateurs de quartier" lancé par Belleville Insolite) jusqu’au parcours qui vise à construire un diagnostic urbain en compagnie d’experts (Les Arpenteurs), il existe de multiples motivations pour parcourir la ville, d’en organiser la perception, d’en construire les modalités de lecture et de compréhension. Quant à l’objet de la balade, on retrouve une palette variée de motivations. Le but peut être de satisfaire un intérêt culturel, découvrir un territoire et en décrypter les enjeux, faire de la pédagogie, de la conduite d’enquête ou de diagnostic (dans le cadre d’aménagement urbain), mener une opération de concertation (démocratie locale) ou de mobilisation (militantisme), opérer dans le cadre d’un programme événementiel (journée du patrimoine, semaine de la nature, etc.).
  • Quels centres d’intérêt ?
    Les parcs haussmanniens, les ruelles étroites et historiques, les fontaines, les passages couverts, les catacombes, les jardins partagés ? Les thèmes sont infinis. Certains cherchent à révéler l’insolite ("Belleville insolite") ou l’authentique ("ça se visite") tandis que d’autres optent pour le méconnu ("Paris par rues méconnues"). Dans la ville, les réalités s’enchevêtrent à l’infini et un même espace peut faire l’objet de balades très différentes qui pourraient être plusieurs fois renouvelées avec à chaque fois leur lot de découvertes : l’eau, les végétaux, les flux de circulation, les édifices et monuments historiques, les motifs ornementaux, l’habitat, les jardins, l’architecture et la superposition des styles, l’espace public, les activités économiques, les traces du passé, etc. On peut s’attacher à ses joyaux les plus institutionnels et patrimoniaux ou au contraire, l’explorer jusqu’à ses "périphéries" (association Ne pas plier), ses limites (ainsi que l’ont fait les Promenades Urbaines), ses "délaissés" (pour reprendre une notion chère aux Robins des villes), ses friches ("Bruit du frigo") .
  • Quelles clefs de lecture ?
    Quasiment toutes les disciplines du savoir peuvent être mises à contribution pour en rendre compte de la ville et de sa complexité : l’architecture et l’urbanisme bien sûr, mais aussi la démographie, l’histoire, la sociologie, l’archéologie, la botanique, l’écologie, etc.
  • Quel mode de locomotion ?
    Tous les moyens de locomotion sont pratiqués et ceux d’autant plus que les acteurs deviennent plus nombreux. Il faut parfois chercher à attirer par l’originalité : roller ou trottinette, vélo ou scooter, bus ou RER, bateau, etc. Mais les balades urbaines se font majoritairement à pied !
  • Quelle durée ?
    Les durées elles-mêmes varient : 1 heure, plus souvent 2 ou 3 ; parfois 6 ou 8 et certaines s’effectuent sur plusieurs jours.
  • Quand ?
    Peu importe l’heure et certaines peuvent se dérouler la nuit avec les "moments singuliers de découverte de la ville" de l’association Dédale ou la balade créée par Unis-cités Loire dans le cadre de l’événement "une semaine en partage".
  • Quels supports ?
    Toutes sortes de documents peuvent venir illustrer le propos de la balade : plans, cartes, reproductions, illustrations, textes, maquettes, modèles réduits, etc. Les nouvelles technologies peuvent s’y inviter pour produire des balades que l’on dira numériques, augmentées ou enrichies. Elles pourront fournir des moyens de compléter le contenu de la balade ou de constituer des traces, une mémoire de la balade, de la partager

La balade, une pratique d’Education à l’Environnement Urbain


L’éducation à l’Environnement Urbain a fait de la balade urbaine un des outils privilégiés de compréhension de la ville. Béatrice Auxent, ancienne Présidente de Citéphile et Présidente de Vivacités Nord, faisait de la balade urbaine un portrait didactique [réf] dans lequel elle la décrit à la fois comme "acte éducatif et espace d’expression citoyenne".
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Pour finir, laissons la parole à l’un des membres fondateurs de Vivacités IdF, Yves Clerget, qui décrit sa pratique dans le cadre de l’association Les Promenades Urbaines :
"Pratiquées en groupe, les promenades urbaines permettent ainsi de croiser discours d’experts et de non-experts, de considérer la ville comme lieu d’expression des différences entre ceux qui l’habitent, ceux qui la pratiquent, ceux qui l’aménagent, la planifient, etc. Durant la promenade, experts et participants apprennent à se reconnaître, engagent ensemble un dialogue, s’approprient et rendent explicite l’objet de l’échange, construisent une perception plus collective. Didactique de la rencontre et non de l’argumentation excluant, la promenade urbaine permet de confronter les points de vue sans les opposer, de construire par l’échange un savoir pluriel de la ville. En quelque sorte, la promenade urbaine localise du savoir sur la ville, actualise par la marche et la mobilité la culture urbaine d’un territoire et de ses dynamiques d’aménagements passées, actuelles et à venir" in "Explorateurs de limites, Promenades urbaines en région parisienne", Centre Pompidou

Au-delà des variations : des constantes


Nous retiendrons qu’une balade urbaine est d’abord la rencontre de la subjectivité d’un animateur (ou plus) et d’un territoire ; subjectivité qui sera finalement offerte à la subjectivité des participants.

De cette rencontre naissent des questions, des remarques, des débats. Ainsi la balade urbaine devient progressivement espace de rencontre et de circulation de la parole. Elle s’effectue dans le croisement des regards sur la ville :

  • ceux des participants ;
  • le croisement des approches où se mêlent l’intellect, la mémoire, les sens, l’imaginaire, les représentations ;
  • le croisement des disciplines enfin qui, dans le décloisonnement propre à la confrontation au terrain que provoque la balade, devient capable de rendre compte de la complexité de la ville. L’usager, l’habitant, le visiteur, le technicien, l’élu, l’universitaire, le créateur peuvent s’y retrouver à échanger à égalité d’expertise produisant dans la confrontation des points de vue de nouveaux savoirs sur la ville, lui découvrant ou lui inventant de nouveaux usages, de nouveaux devenirs ; pourquoi pas un avenir.

L’effet de la balade est toujours d’aboutir à une lecture inédite de la ville, même pour ceux qui la connaissaient, l’habitent, l’administrent ou l’aménagent.

Elle se déroule dans le plaisir et la convivialité. Elle produit une certaine intimité, un vécu commun.

Les balades de notre projet :


Pour ce projet, nous n’avons retenu que les balades en groupe propre à générer du contact entre les participants ;
• animées par une ou deux personnes, faisant appel ou non à des intervenants ressources,
• réunissant une quinzaine de participants selon une conception,
• avec des objectifs et des modes d’animation qui relèvent entièrement de la décision de l’acteur (structure ou individuel) ayant rejoint le groupe de travail.